HervE FaYEL, ECRITS > L'EAU DU MIROIR

ON LEUR DIT ...

On leur dit qu’ils étaient coupables, qu’allait se déverser sur eux un déluge d’eau ou de feu, que la terre serait alors une boule orange ou bleue. Orange ou bleue, pourquoi choisir entre les deux ? Ils n’avaient pas choisi, leur père, leur mère étaient morts, que leur restait-il donc à craindre ? Et s’il ne restait que deux couleurs, pourquoi auraient-ils donc peur, il y aurait tant de tableaux à peindre.

On leur dit qu’elle était plate, ils ont marché sur la terre, rien que pour suivre leur ombre et ont su qu’elle était ronde, qu’elle était belle, et pour mieux la regarder, ils l’ont posée, dans leur main. C’était un temps où les mots n’existaient pas encore, on ne pouvait que toucher la peau des arbres, la peau du ciel, lisse ou déchirée, déchirée ou lisse, pour dire ce que l’on aime, on ne connaissait pas encore Ulysse. Avant de savoir compter, ils ont alors inventé le poème pour dire qu’ils étaient coupables, oui, d’avoir vécu. Et sur la terre orange et bleue, bleue et orange, sur la terre qui était dans leur main, sans plus de mots, ils ont continué, sur leur chemin.

.